La distance et l’absence dans le FOCUSING par téléphone

Il y a certainement dans cette proposition de sessions de Focusing par téléphone quelque chose de choquant et de déroutant. Mais d’une certaine façon, tout rapport avec la distance, avec l’autre placé au loin, "là-bas", confère un sens nouveau au rapport à l’autre. De plus, dans la relation par téléphone, l'absence du regard de l'autre peut être un avantage car l'interlocuteur peut se sentir plus libre.

L’expérience de la distance spatiale et de la rencontre de l’Autre "virtuel", selon un nouveau type de comunication, introduit peut-être à un espace relationnel inconnu jusqu’à aujourd’hui avec autant d’intensité si ce n'est plus, puisque auparavant, c’était principalement la présence "proximale" de l’autre, son altérité directe qui alimentait notre "apprendre à être", nous aidant à nous interroger intérieurement sur nous-mêmes au fil de nos expériences, les exemples extérieurs nous fournissant des pistes de réflexion concernant les grandes questions posées par la vie. Des moyens de communication à distance nous ont déjà depuis longtemps permis une relation virtuelle avec l’autre, qui devenait présent tout en étant absent physiquement. La généralisation du téléphone nous a tous contraints à nous comporter différemment vis à vis de l’autre, et à être différemment nous-mêmes. Notre “apprendre à être” a dû intégrer la distance dans nos rapports au monde et aux autres, il sait déjà composer avec l’absence physique.

Une session de Focusing par téléphone est une expérience qui peut tout d’abord apparaître déstabilisante mais finalement très enrichissante pour l’être tout entier. Nous sommes devenus, grâce à tous ces nouveaux moyens de communication, des êtres qui savent désormais vivre sensiblement des émotions à distance, ces émotions qui de tout temps ont formé notre humanité tant personnelle que sociale. La technologie opère une mutation de nos façons “d’apprendre à être” face à ce ressenti, face à l’autre que l’on n’a plus face à soi. Il est important de mieux cerner sur le terrain existentiel la nature de ces mutations. De multiples questions surgissent immédiatement: en quoi ce relationnel “virtuel” peut-il nous modifier sur le versant de la relation à l’Autre? C’est certainement dans cette absence-présence symbolique que se joue une facette importante du Focusing par téléphone.

Peut-on présumer que de plus en plus nous serons accoutumés à cette distance et que notre vie de tous les jours ne peut plus faire comme si cette distance n’existait pas ?

L’aisance avec la machine, l’aisance avec la distance, c’est aussi une façon d’être, qui s’apprend et d’une certaine façon nous transforme, nous rendant différent de ce qu’on était avant d’utiliser la machine, support d'une communication à distance. Toute utilisation de machine (et plus particulièrement encore les machines à communiquer) transforme celui qui l’utilise, dans ses gestes et son être. Elle modifie ce qu’il est, et l'oblige à intégrer cette expérience, à la réfléchir, à la mettre au service d’une optimisation du développement de soi. La médiation technique avec ses spécificités offre des avantages et implique aussi des contraintes, et c’est en cet espace que peuvent se déployer de nouvelles potentialités expérientielles de bien-être, et c’est dans l’interstice entre les "deux" que se situe l’utilisation juste et pertinente du Focusing par téléphone.

Pour en terminer je citerai L.S. Saul, "En quoi une relation par téléphone est-elle différente d'une relation en face à face? Il n'y a pas de différences significatives entre la relation d'aide face à face et la relation d'aide par téléphone. Certaines personnes expriment mieux leur problème au téléphone que dans un face à face, c'est pourquoi le téléphone peut être employé comme moyen thérapeutique".